Moment très fort d'émotion lors des dernières Journées de Torrito Afición, à l'Esparragal lorsque Michel Cece lit à Fabrice le magnifique texte qu'il lui avait écrit, véritable ode au campo. Le voici, dans toute sa force poétique!
Parlons taureaux mes amis, de quoi
pourrions-nous parler d'autres ?
A moins que pour une fois, vous m'autorisiez à
tourner autour, non pas à tourner le dos comme des aficionados mécontents
pourraient le faire à Pampelune, mais à tenter de dire autrement, ce que,
humblement, avec cet air de rien qui caractérise le lieu, nous trouvons ici,
point à la ligne.
Ligne justement sera ma digression. Parce qu'à
l'humilité qu'oblige le travail quotidien au campo, il faut une ligne. Ligne,
comme une lumière qui nous guide, cette ligne si loin là-bas, tant éloignée de
nous qu'on pourrait la confondre à l'horizon, ce bout de nos yeux que l'on ne
peut jamais atteindre, et qui pourtant nous fait avancer ; ligne, que l'on
aperçoit parfois que très vaguement sous les brumes matinales, si l'on n'a pas
quelqu'un qui nous apprenne à voir, qui nous aide à nous soulever, à nous
hisser, à prendre cette hauteur nécessaire pour apercevoir demain.
Ligne de là-bas, ligne de par ici, chacune à
poser, les bonnes années, l'herbe de la prairie sous nos pas. Les phrases se
posent comme elles peuvent sous les pluies de l'automne. Fabrice dit :
« Quel bonheur quand la poussière se transforme en boue...la terre
respire....les taureaux s'épanouissent...Nettoyés par l'eau du ciel, leurs
peaux paraissent comme lustrées. »
Nous prenons les longs chemins du campo. Il
n'y a que lui qui sait où nous allons, bien qu'il nous dise : « tu
sais, si j'avais des certitudes...je n'ai pour moi que cette ligne qui me
guide, ce là-bas qui est à atteindre, et pour y voir, au-delà de ce que mes
yeux aperçoivent, au campo, aux tientas, aux comportements dans l'arène, il y a
la lumière de la lignée, et puis, pour ce qui est de l'invisible, la présence
de José Luis, et toujours, au visible journalier, la présence quotidienne de
Maruchi, de l'équipe, et des miens. »
Tenant cet instant présent, ces instants d'ici
maintes fois répétés, j'aperçois sur Mirandilla, l'ocre rouge du ciel, une
déchirure entre eucalyptus et petits chênes. Tout se dit entre arbres et ciel,
la peur des blessures, un vol de palombes, l'espoir qui monte de la terre, et
la présence rassurante des bêtes, leur force paisible, leur inquiétante et
indispensable sauvagerie parfois. Le campo a ses vérités, jamais de certitudes.
Le passé apprend et le lointain guide.
Lignes, comme les pluies qui tombent drues
disent dans les ornières boueuses, les
traces des sabots, l'espoir de l'herbe.
Lignes, comme la brume descend du ciel jusqu'à
envelopper les buissons, et s'évapore enfin pour devenir le soleil.
Lignes, puisque c'est avec la mémoire et les
carnets du passé que Fabrice observe les jours à venir, la présence du lointain
dans le nouveau creuset de ce que le présent et l'espoir peuvent autoriser à
dire.
Et la plus grande dette du Mayoral. Ce mot,
parce que chaque éleveur sait qu'il faudra bien un jour, restituer dans l'arène
ce que le campo lui donne. Il n'est jamais trop tard pour découvrir ce qui nous
est inconnu. La vie sert à apprendre. Et la mort du toro brave aussi.
Il est si facile à se mettre à mal rêver quand
l'horizon est trop loin.
Et c'est peut-être cela aussi que le campo
nous apprend dans son labeur quotidien. Demain n'est pas après-demain.Le temps
passe si vite et si lentement à la fois. Au campo comme ailleurs. Nos yeux
doivent se faire au lointain sans jamais oublier où nous sommes.
On ne comprend pas toujours, pas tout de suite
pour le moins, pourquoi un lieu nous retient pour le reste de notre vie.
Peut-être, que plus que nous-même, plus que nos mots, nos lieux nous disent.
Pour ma part, je suis du campo, de ces pays de
taureau, et si l'arène a son indispensable vérité, le bonheur, je le puise
essentiellement ici. Sur la terre qui dit la lenteur de ce qui est à
construire.
Le « temple » du mayoral. Un
bruissement. Un murmure.
Pour tout cela, pour cette foi, pour ce
partage, Fabrice merci.
Pour écouter Michel Cece nous parler de son dernier ouvrage où il est ausi question de carnets ..., cliquez :
http://www.dailymotion.com/video/x1dpz6h_les-carnets-de-guerre-d-alfred-benezech-1914-1918-de-michel-cece_news
Pour écouter Michel Cece nous parler de son dernier ouvrage où il est ausi question de carnets ..., cliquez :
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