mercredi 17 août 2011

Les mères trahies


C’est chaque année la même histoire, et cela cause toujours une grande peine aux vachers et au mayoral.


L'attente vaine des mères trahies


A la fin du mois de juin, nous sevrons les veaux et velles nés dans l’exercice. Les plus vieux ont alors neuf mois, les plus jeunes seulement trois.
L’été étant une saison très diffícile pour les mères car elles souffrent des fortes chaleurs et des pâturages restreints, nous préférons leur ôter la charge de nutrition que représente le veau. Ainsi, elles traversent plus sereinement ces mois rudes et parviennent à l’automne en meilleur état pour assurer un bon vélage et un début d’alimentation satisfaisant du nouveau-né suivant.


Quant aux jeunes veaux sevrés peut-être un peu trop tôt, il faut leur assurer une alimentation compensatoire d’un très haut niveau énergétique pour remplacer les trois mois d’allaitement manquant. Ils en ressortent eux-aussi plus costauds et finalement, cette pratique s’avère bénéficiable pour les mères et les fils.
Mais tout ne se passe pas aussi tranquillement. Cela serait sans compter sur les liens sacrés qui unissent une mère et son enfant.


Nous profitons de l’assainissement du troupeau pour trier et séparer les vaches de leurs rejetons. Nous relâchons les mères vers la liberté de la dehesa et gardons les veaux en corrals pour surveiller leur croissance.
Les vaches bénéficient alors d’une indépendance bien méritée après une semaine de stress, enfermées en corrals, supportant vaccinations, prises de sang, piqûres de garrocha*, cris, portes qui claquent, poussière, …


Mais passées les premières heures de bonheur, le souvenir du fils se fait présent et son absence commence à les faire réfléchir.
Elles se rapprochent du cortijo, alors qu’elles n’avaient qu’un idée en tête quelques heures auparavant : en fuir le plus loin posible et ne jamais y revenir! Mais l’appel filial est plus fort. Se produit alors cette scène des plus émouvantes : les mères à qui on a enlevé les fils viennent à la clôture la plus proche des corrals reclamer leur bien : leur enfant. Le mayoral ne peut s’empêcher de fixer le regard des vaches et y lire une détresse immense. Elles semblent lui reprocher avec insistance : pourquoi?


Le cœur lourd, le mayoral préfére lâchement s’éloigner et passer à autre chose. Démunir ainsi une mère de son enfant l’indispose.
Cela dure une semaine. Les premiers jours ce sont des heures entières où elles les appelent. Puis les visites s’espacent et les cris se font moins pressants. Les vaches les plus vieilles comprennent les premières et se rendent compte qu’une fois de plus l’homme les a trompées, abusant de leur innocence. La mort dans l’âme elles s’éloignent définitivement, admettant que plus jamais elles ne reverront leurs fils. Elles essaient de convaincre les jeunes mères qui ne savent pas que l’attente est inutile. Les primipares, plus tard, finissent par se résoudre aussi à abandonner l’espoir.


C’est fini, les mères ne viendront plus requérir leurs fils. Elles acceptent cette loi très dure de séparation définitive et se consolent en se concentrant sur le prochain becerro* que chacune porte en elle.



* garrocha : lance en bois munie d’un aiguillon qu’utilisent les vachers au campo pour piquer le bétail
* becerro : terme générique pour désigner le jeune taureau de moins d’un an


2 commentaires:

  1. Magnifique !
    bisous steph

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  2. Isabelle PERGET19 août 2011 à 22:00

    Merci pour cette visite extraordinaire et ce blog qui prolonge le lien. J'attend impatiemment sur ce blog des nouvelles du "Pénible" le Duche, qui devrait être toréer bientôt.

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