“Ah le torero vedette d’aujourd’hui … ne m’en parlez pas. Mais
comment peut-il dire qu’il n’a pas pu briller parce que le taureau ne l’avait
pas servi? N’a-t-il pas honte? Un taureau qui sert? Mais c’est quoi ça? Quelle
horreur. Bon sang, un taureau de combat n’est pas un serveur de bar avec une serviette sur le bras, un plateau à la main qui vous apporte une limonade! C’est
un animal sauvage, avec son caractère propre, ses qualités, ses défauts et
c’est au torero de le dominer, de se mettre à sa disposition, de la faire
briller, de le mettre en valeur, pas l’inverse!”
C’était la première fois que je rencontrais José-Luís García
de Samaniego y Queralt, plus connu comme le Marquis d’Albaserrada. C’était en septembre 1992, à
l’Institut culturel français de Séville, après une conférence. Quel bonheur
d’entendre cette vérité sortir de la bouche d’un ganadero! J’étais sur un nuage
d’admiration et de respect.
Le mayoral aux côtés du Marquis pendant une tienta |
Dix-sept ans plus tard, en mars 2009, je chemine à ses côtés
à la Finca Mirandilla. Nous nous dirigeons vers les arènes pour une tienta.
Ces dernières années j’ai eu le privilège
d’accompagner le Marquis pour ce test fondamental de sélection et en général pour le
processus d’élevage dans son ensemble.
Ce fut une véritable transmission. Ce long apprentissage m’a réconforté dans une certaine philosophie
d’élevage. Un éleveur ne doit pas vendre son âme, il doit poursuivre son idée
jusqu’au bout, quelles qu’en soient les conséquences commerciales. Il
doit rester un romantique dans cet univers de rationalisme à outrance. Intégrité du taureau, pas de fundas (protection des cornes), pas
d’afeitado (manipulation frauduleuse des cornes), pas de miévrerie dans son comportement. Présentation, bravoure, caste et puissance!
Lors d'une ferrade, le mayoral protège son ganadero |
Ce jour de mars 2009,
tout va basculer pour moi. Un geste. Un simple geste. Un geste banal vu de
l’extérieur, insignifiant pour le commun des mortels. Pourtant ce geste allait
bouleverser mon existence. Il sort de la
poche de sa chemise son carnet de notes de tentadero et il me le tend. Aucune
parole n’accompagne ce geste. José-Luís n’était pas un homme loquace. Il ne
reprendra plus jamais ce carnet. Conscient que sa santé s’amenuisait, il venait
de décider de passer la main. Le carnet du ganadero venait de se transformer en
carnet du mayoral.
Le carnet du ganadero |
Le carnet avec les commentaires de José-Luís |
C’était
l’aboutissement d’un rêve, mais aussi le début d’une aventure …
Une
évidence pour moi, l’obligation de ne
jamais trahir la philosophie de ce grand ganadero qui vient de nous quitter.
José-Luís, Marquis d'Albaserrada, MERCI de m’avoir offert cet honneur. Et d'où que tu m'observes, tu peux être certain que je vais tout faire pour ne pas te décevoir.
Le mayoral encadré par José-Luís et Maruchi Photo Paul Hermé |
C'est toujours triste de voir partir quelqu'un et encore plus quand il s'agit d'un personnage mythique que je n'ai pu malheureusement saluer lorsque je suis passé à la Finca en mars dernier. Je forme des vœux pour que le neveu qui va reprendre le titre et la ganaderia conserve cette même passion que le défunt Marquis.
RépondreSupprimerMerci de bien vouloir présenter toutes mes condoléances à son épouse que je ne peux me permettre d'appeler par son prénom.
Avec toutes mes amitiés et veoux pour Fabrice
Bernard HYACINTHE