Le vacher a rapidement repéré le nouveau-venu dans la manade de vaches de ventre. C’est une femelle de robe negra mulata* de quelques heures de vie. Il a pu l’attraper et lui placer aux oreilles les boucles d’identification européenne. Il note sur son carnet le numéro 5727 qu’il lui assigne et qui la suivra toute sa vie. Il s’étonne cependant d’avoir trompé aussi facilement la vigilance de la maman. La vache Reina vient de vêler pour la première fois. La nature a beau être savante, cet acte n’en demeure pas moins un événement des plus déconcertants, surtout pour une primipare. Elle n’a pas été assez méfiante. Mais on ne la lui refera pas. Les vachers sont prévenus pour l’année prochaine…
Ce premier contact avec l’homme a été trop précoce. Le vacher aurait dû patienter deux à trois jours. La nouvelle-née s’est imprégnée des odeurs de l’homme et sa mère l’a rejetée. La nature sauvage est régie par des règles très strictes de survie. Que l’humain intervienne et aille à l’encontre de cette logique peut bouleverser l’équilibre naturel.
Le vacher se rend compte de cet abandon. Depuis deux jours, la vêle perdue dans la dehesa, marche sans but, amaigrie, beuglant de faim. Cette plainte l’émeut. Il réussit à l’acculer et à l’attraper à nouveau, non sans souffrir l’attaque désespérée de l’animal, tête en avant, lui rappelant que la bravoure est décidément une qualité étonnante. Il la charge sur son cheval et la ramène au cortijo*. Enfermée dans un box des écuries, elle tremble de colère, luttant contre sa nouvelle condition de prisonnière. Bien triste début d’existence pour une bête sauvage, mais il s’agissait d’une question de vie ou de mort.
Très réticente au début, il faut pourtant la forcer à accepter le biberon salvateur et employer la force. Elle est coincée entre les jambes du vacher, pouce et index introduits dans la gueule, tétine enfoncée dans la gorge. Elle ne peut comprendre que cette violence est employée pour son bien. Après plusieurs tentatives, elle goûte enfin et se délecte du bon lait tiède. L’habitude est prise. Elle vient d’effacer définitivement sa maman de la mémoire et d’adopter Chico le vacher qui lui a sauvé la vie et dont elle sait identifier les odeurs.
Princesa a maintenant deux mois. Elle a atteint une taille supérieure à celle de ses sœurs. Elle tète tous les jours six litres de lait riche et gras, alors qu’une vache de race brave en produit naturellement moins pour son veau. De plus, elle dort bien au chaud dans l’écurie, à l’abri de la terrible humidité des pluies d’hiver que ses sœurs doivent supporter dans le campo. Elle est devenue la mascotte de la ferme. Les enfants des vachers s’amusent avec elle. Courses, sauts, charges, feintes de corps, … un vrai régal, et bien plus original qu’un chiot. Par contre, impossible de la toucher. Privilège réservé à Chico à qui elle répond en beuglant lorsqu’elle reconnaît sa voix.
Dans une ambiance de franche rigolade, le mayoral sourit en observant ces scènes de jeux. Pourtant un doute l’assaille. Il sait qu’il doit bientôt prendre une décision difficile. Que faire de Princesa? Si dans deux mois la vachette n’est pas relâchée avec ses sœurs dans la dehesa, ç’a en sera terminé de sa sauvagerie. Totalement domestiquée, disparu son instinct de combativité, elle ne pourra pas, comme les autres génisses montrer son tempérament agressif à la tienta* et devenir mère de taureau de combat. Remise en liberté, le mayoral est persuadé qu’elle oublierait rapidement sa mère adoptive, apprendrait à survivre en broutant et retrouverait son instinct de bravoure inscrit dans ses gênes.
Quel est l’avenir de Princesa? La séparer de sa famille adoptive et lui faire subir un nouveau traumatisme ou la laisser devenir animal de compagnie et lui ôter son véritable destin d’animal de combat?
De belles nuits d’insomnie en perspective pour notre mayoral…
Negra mulata : littéralement noire mulâtresse. Robe fréquente de taureaux ou vaches. Noir-clair.
Cortijo : corps de logis. La partie bâtie d’une ferme.
Tienta : test de sélection de bravoure des génisses et des mâles pour devenir vaches de ventre et étalons. Tentar : tester. Placita de tienta : arènes privées de test dans les élevages.
Ce premier contact avec l’homme a été trop précoce. Le vacher aurait dû patienter deux à trois jours. La nouvelle-née s’est imprégnée des odeurs de l’homme et sa mère l’a rejetée. La nature sauvage est régie par des règles très strictes de survie. Que l’humain intervienne et aille à l’encontre de cette logique peut bouleverser l’équilibre naturel.
Le vacher se rend compte de cet abandon. Depuis deux jours, la vêle perdue dans la dehesa, marche sans but, amaigrie, beuglant de faim. Cette plainte l’émeut. Il réussit à l’acculer et à l’attraper à nouveau, non sans souffrir l’attaque désespérée de l’animal, tête en avant, lui rappelant que la bravoure est décidément une qualité étonnante. Il la charge sur son cheval et la ramène au cortijo*. Enfermée dans un box des écuries, elle tremble de colère, luttant contre sa nouvelle condition de prisonnière. Bien triste début d’existence pour une bête sauvage, mais il s’agissait d’une question de vie ou de mort.
Très réticente au début, il faut pourtant la forcer à accepter le biberon salvateur et employer la force. Elle est coincée entre les jambes du vacher, pouce et index introduits dans la gueule, tétine enfoncée dans la gorge. Elle ne peut comprendre que cette violence est employée pour son bien. Après plusieurs tentatives, elle goûte enfin et se délecte du bon lait tiède. L’habitude est prise. Elle vient d’effacer définitivement sa maman de la mémoire et d’adopter Chico le vacher qui lui a sauvé la vie et dont elle sait identifier les odeurs.
Princesa a maintenant deux mois. Elle a atteint une taille supérieure à celle de ses sœurs. Elle tète tous les jours six litres de lait riche et gras, alors qu’une vache de race brave en produit naturellement moins pour son veau. De plus, elle dort bien au chaud dans l’écurie, à l’abri de la terrible humidité des pluies d’hiver que ses sœurs doivent supporter dans le campo. Elle est devenue la mascotte de la ferme. Les enfants des vachers s’amusent avec elle. Courses, sauts, charges, feintes de corps, … un vrai régal, et bien plus original qu’un chiot. Par contre, impossible de la toucher. Privilège réservé à Chico à qui elle répond en beuglant lorsqu’elle reconnaît sa voix.
Dans une ambiance de franche rigolade, le mayoral sourit en observant ces scènes de jeux. Pourtant un doute l’assaille. Il sait qu’il doit bientôt prendre une décision difficile. Que faire de Princesa? Si dans deux mois la vachette n’est pas relâchée avec ses sœurs dans la dehesa, ç’a en sera terminé de sa sauvagerie. Totalement domestiquée, disparu son instinct de combativité, elle ne pourra pas, comme les autres génisses montrer son tempérament agressif à la tienta* et devenir mère de taureau de combat. Remise en liberté, le mayoral est persuadé qu’elle oublierait rapidement sa mère adoptive, apprendrait à survivre en broutant et retrouverait son instinct de bravoure inscrit dans ses gênes.
Quel est l’avenir de Princesa? La séparer de sa famille adoptive et lui faire subir un nouveau traumatisme ou la laisser devenir animal de compagnie et lui ôter son véritable destin d’animal de combat?
De belles nuits d’insomnie en perspective pour notre mayoral…
Negra mulata : littéralement noire mulâtresse. Robe fréquente de taureaux ou vaches. Noir-clair.
Cortijo : corps de logis. La partie bâtie d’une ferme.
Tienta : test de sélection de bravoure des génisses et des mâles pour devenir vaches de ventre et étalons. Tentar : tester. Placita de tienta : arènes privées de test dans les élevages.
Merci pour tous ces beaux recits.
RépondreSupprimerCaroline
Bonjour , nous sommes des élèves de Guillaume nous avions visité votre élevage de toros de combat. Touchés par cette téméraire vachette de deux mois, nous aimerions savoir ce qu'elle devient et quel avenir vous lui réservez si vous en avez décidé. A-t-elle un avenir de reproductrice ? De plus, nous aimerions savoir si vous l'avez reintegrée au troupeau et si son lien avec le mayoral est toujours aussi fort ?
RépondreSupprimerEn vous remerciant d'avoir pris le temps de nous lire. Edouard et Moustapha